POINT DE VUE DU JUDAÏSME SUR LE SPERMOGRAMME

Par Le rabbin Benjamin David
Institut Pouah – Jérusalem

Le spermogramme est un des examens de base du bilan de stérilité du couple. Certains praticiens considèrent même que c’est la première exploration à faire avant de commencer tout traitement de fécondité. Cela semblerait logique, puisque les statistiques prouvent que 40% des couples souffrent d’une stérilité ayant pour cause une déficience du sperme. De plus, cet examen est simple à faire et donne des résultats rapides qui permettront de définir la suite des traitements. Il n’est pas invasif et est peu onéreux.
Cependant, la logique médicale ne va pas toujours dans le sens de la logique rabbinique, qui considère qu’il ne faut faire cette analyse qu’en dernier recours. Avant d’entamer les explications qui vont suivre, il est essentiel de préciser que chaque cas est un cas particulier et que les couples qui se trouvent dans la nécessité d’effectuer un spermogramme doivent demander l’avis d’un rabbin.

Spermogramme – Sortir du sperme en vain?
L’épanchement séminal volontaire en dehors des voies vaginales de la femme est considéré par le judaïsme comme un acte interdit . La genèse nous décrit : “Alors Yéhouda dit à Onan son fils : épouse la femme de ton frère en vertu de la loi du lévirat afin de constituer une postérité à ton frère ; Onan comprit que cette postérité ne serait pas la sienne. Alors chaque fois qu’il approchait la femme de son frère, il détruisait sa semence à terre, afin de ne pas donner de postérité à son frère. Sa conduite déplut à Dieu qui le fit mourir de même » . De ce passage biblique, Rabbi Yohanan conclut dans le talmud que celui qui agit comme Onan serait passible de mort. Rabbi Yitsh’ak le considère même comme un meurtrier, Rabbi Assy comme un idolâtre, et Rabbi Yichemaël comme passible de la peine appliquée en cas d’adultère . Précision que ces trois interdits: meurtre, idolâtrie et adultère sont considérés comme les pêchés les plus grave du judaïsme, pour lesquels il est précisé que même sous la menace, un homme doit se laisser abattre par ses ennemis plutôt que de les enfreindre. C’est pour cette raison que l’interdit de faire couler du sperme en vain est considéré par le Choulh’an Arouh’(qui reprend les paroles du Zohar) comme l’une des plus grandes fautes du judaïsme.
Le couple et les décisionnaires rabbiniques se retrouvent donc un dilemme: réaliser le premier des 613 commandements c’est-à-dire procréer, et d’autre part respecter cet interdit, considéré comme l’une des « plus grandes fautes de la Torah ».

Pourquoi est-il interdit de détruire du sperme ?
Les Tossaphistes (commentateurs du Talmud de l’époque médiévale) établissent un lien entre le commandement positif de procréer et l’interdit d’émettre du sperme en vain (par coïtus interruptus et par masturbation), qui pourrait être considéré comme son opposé. La position du judaïsme provient donc du respect que l’on doit à la vie. L’interdit est là pour empêcher de gâcher le potentiel de vie contenu dans le sperme. Si nous suivons l’esprit des commentateurs médiévaux, l’éjaculation provoquée, ayant pour but d’explorer les causes de la stérilité et de permettre de réaliser le commandement de procréer, ne sera donc pas considérée comme une transgression de la torah. Le but n’étant pas d’empêcher la vie, mais au contraire d’y contribuer.
On peut retrouver ce raisonnement explicité dans un passage du talmud dans le traité de Yébamot . La torah interdit à un homme émasculé de se marier . Il en est de même pour un homme qui aurait été blessé à la verge, et dont le membre ne se serait pas rétabli complètement. « L’homme aux testicules écrasés ou à la verge coupée n’entrera pas dans l’assemblée de l’Eternel ». Rava, élève du rav Yossef, demande : Comment peut-on vérifier cela ? Son maître lui répondit : En lui provoquant une « éjaculation-réflexe » par une technique de réchauffement de l’anus (une certaine similitude avec l’électro-éjaculation moderne). Par cet examen, le tribunal rabbinique pourra constater si la blessure a été complètement guérie et si l’écoulement de sperme emprunte les canaux normaux. Les décisionnaires rabbiniques confrontés à la question du spermogramme ont voulu prouver de ce texte talmudique qu’il est autorisé de sortir du sperme en dehors d’un rapport conjugal afin de pouvoir permettre à un homme de se marier et de réaliser la mitsva de «Croissez et multipliez ». Cependant, de ce même passage, il semblerait qu’on n’autorise l’éjaculation uniquement par un moyen détourné, et non par masturbation. C’est pour cette raison que les rabbins préconisent l’utilisation d’un préservatif stérile comme unique moyen d’émission du sperme pour le spermogramme.
D’autres décisionnaires ont préconisé le coïtus interruptus afin de recueillir le sperme. Mais cette méthode n’est pas efficace et peut, au contraire, provoquer une perte de semence. De plus, cette méthode n’est pas préférable car elle ressemble de trop au geste de Er et Onan, condamnés par Dieu .
La technique de la masturbation est cependant autorisée en cas de force majeure par certains décisionnaires, qui considèrent que cet acte ne peut être comparé comme un vrai adultère. Ils expliquent que le Talmud ne fait cette comparaison qu’afin de souligner la gravité de cet acte lorsqu’il est fait à seule fin d’en tirer une jouissance personnelle, solitaire et égoïste .

Dans quels cas un spermogramme est autorisé?
Vu la gravité de l’acte, la permission d’effectuer un examen séminal ne peut être valides que dans le cas où l’on suppose que la cause de l’infertilité du couple provient du mari. Il faudra donc auparavant éliminer les possibilités de stérilité féminine de base. (Bilan hormonal équilibré, ovulation après mikvé, existence de relations intimes fréquentes, …). Après ces vérifications, un test de Hunner sera préconisé, afin de vérifier la qualité de la glaire cervicale le jour de l’ovulation, (qui peut également être une cause de stérilité) et la présence de spermatozoïdes mobiles. Au cas où il y aurait présence de beaucoup de spermatozoïdes avec une très grande mobilité, il semblerait que les causes d’infertilité ne proviennent pas obligatoirement du mari et le rabbin préférera que d’autres examens soient d’abord effectués sur la femme (salpingohystérographie par exemple). Par contre, dans le cas où le test de Hunner montre une déficience dans la qualité, la mobilité ou le nombre des spermatozoïdes, et que l’on est sûr du bon déroulement des rapports intimes, alors le rabbin pourra donner son autorisation pour effectuer un spermogramme. Cette position est celle de la grande majorité des décisionnaires rabbiniques.

Préconiser un bilan complet.
C’est sur ces bases talmudiques que les rabbins vers qui les couples se tournent, prennent leur décision. Dans cette même ligne d’idée, afin d’éviter des spermogrammes à répétition, le rabbin demandera que le médecin prescrive un bilan total du sperme (numération, mobilité, vitalité, spermocytogramme, spermoculture…).